Le capital immatériel représente une part très importante de la valeur d’une entreprise. Pourtant, bien que le concept date des années 90, il reste toujours mal compris et peu de méthodes existent pour l’évaluer. Valoriser le capital immatériel des entreprises reste toutefois un enjeu majeur. Pour cause, on estime que 75 à 90% de la capitalisation boursière des sociétés cotées revient à des actifs immatériels.
Le numérique, facteur de changement dans la perception du capital d’une entreprise
Traditionnellement et schématiquement, le capital d’une entreprise vaut le prix de revente des stocks et des acquisitions faites, auquel on soustrait les dettes éventuellement en cours. Ainsi, le calcul est assez simple. En revanche, avec l’arrivée du numérique, c’est tout un nouveau panel d’actifs qui entrent en jeu, à la valeur souvent conséquente et très difficile à mesurer.
La prise en compte et la valorisation de ce capital immatériel est encore plus central pour les entreprises du service et du digital. Pour cause, contrairement à des entreprises vendant des produits physiques, leurs actifs ne sont pas des usines, des stocks… Mais des logiciels, des concepts, des process… Cette approche donne ainsi une nouvelle dimension du capital d’une entreprise. Il ne repose plus essentiellement sur le produit fini, mais aussi dans le personnel de l’entreprise, les talents qui lui permettent d’évoluer. (1)
Dans ce cadre, il devient difficile d’appliquer la même méthode quantitative et comptable que pour le calcul de la valeur des actifs physiques. Il faut donc changer d’approche pour se tourner davantage vers une évaluation qualitative. Pour cela, il est faut déjà comprendre les différentes catégories qui composent ce capital immatériel.
Le capital humain dans la valorisation du capital immatériel de l’entreprise
Le capital immatériel relatif à l’humain se compose de tous les actifs liés à l’expérience des équipes, la formation, ainsi que les valeurs portées. Il est particulièrement compliqué à identifier car flirtant avec le subjectif. Ainsi, pour mesurer le capital humain d’une entreprise, on prend en compte :
La valeur du dirigeant. A-t-il une personnalité forte qui donne du crédit à l’entreprise ? Dispose-t-il de compétences notables renforçant son positionnement ? Démontre-t-il des talents de leadership pour embarquer ses collaborateurs ? L’entreprise est-elle viable sans lui ?
Les hommes clés. Certains collaborateurs ont-ils des compétences rares qui donnent un avantage concurrentiel à l’entreprise ? Sont-ils en mesure de transmettre leur savoir ou ces connaissances risquent-elles de disparaître si les hommes clés quittent l’entreprise ?
Les compétences individuelles. Les équipes sont-elles correctement formées ? Quel est leur niveau de compétence et de qualification ? L’entreprise propose-t-elle de la formation continue pour entretenir son avantage concurrentiel ?
L’expérience. L’entreprise et les collaborateurs ont-ils un passif intéressant et valorisable ? Ont-ils suffisamment de recul ?
Le savoir-faire collectif. L’entreprise a-t-elle la capacité de capter et de transmettre le savoir? Le capital humain est-il trop lié à des personnalités phares ou bien les connaissances sont-elles formalisées dans des documents tels que des process, des méthodes, des formations ?
Capital structurel, les actifs immatériels difficiles à identifier
Le capital structurel est particulièrement large. Il recouvre notamment les actifs immatériels comme les propriétés intellectuelles, la qualité de la gouvernance de l’entreprise, les process, l’organisation… On y prend donc en compte les brevets ; le niveau d’innovation des produits physiques ou digitaux ; la qualité de l’informatisation (digitalisation des outils, cohérences des logiciels entre les services, interopérabilité des solutions informatiques…) ; l’outil de CRM, le réseau commercial et les programmes de fidélisation clients ; les budgets de R&D, les projets en cours, les partenariats clés ; les budgets de formation des équipes ainsi que la qualité des système de management de la connaissance ; la veille mise en place pour les questions technologiques, concurrentiels, stratégiques ou encore la satisfaction des clients…
Le capital structurel est un actif immatériel particulièrement fluctuant d’une entreprise à une autre. Il dépend de la réalité terrain de chacune. Par exemple, les grosses entreprises ont tendance à souffrir de lenteurs administratives et à manquer de flexibilité, les empêchant d’agir vite. Aussi, quand l’une d’elles à les moyens de faire preuve de réactivité, innovation et résilience, elle enrichit son capital immatériel.
Capital relationnel, la valeur de la marque
Le capital relationnel prend en compte tout ce qui attrait à la marque, sa réputation, son portefeuille client. On y inscrit donc les différentes marques de l’entreprise et la notoriété des produits. On évalue également le potentiel de “cross selling”, c’est-à-dire la capacité des produits à fonctionner avec des produits complémentaires pour augmenter les ventes. Les actifs immatériels du capital relationnel prennent aussi en compte la fidélité de la clientèle, la fréquence des achats, et le risque de perdre cette clientèle. Il évalue également la structure du portefeuille client : le plus gros client représente-il une part trop importante du CA, lui donnant un moyen de pression conséquent ? Le capital relationnel mesure également la zone géographique sur laquelle la marque a de l’influence, ou encore la performance du business model.
Comment mesurer la valeur du capital immatériel ?
Pour mesurer le capital immatériel d’une entreprise, il existe deux méthodes. La plus simple est la méthode soustractive. Elle consiste à calculer l’écart entre la valeur de marché et la valeur comptable de l’entreprise. Cette méthode de calcul est simple si l’entreprise est cotée. En revanche, elle est toujours très imprécise car elle ne donne aucun détail sur la composition du patrimoine immatériel. En plus de ne pas prendre en considération la dimension spéculative et fluctuante de la valeur de marché.
La deuxième méthode est donc beaucoup plus qualitative. Il s’agit de la méthode de valorisation additive. Elle additionne tous les actifs immatériels estimés et permet de valoriser proprement la valeur de marché de l’entreprise. Pour faire l’inventaire complet des actifs immatériels, Alan Fustec & Bernard Marois recommande d’utiliser un découpage précis du capital immatériel. Une approche expliquée en 2006 dans le livre « Valoriser le capital immatériel ». Ils décortiquent donc le capital immatériel sous 7 catégories que sont : le capital clients, le capital humain, le capital de savoir, le capital de marques, le capital organisationnel, le capital fournisseurs, le système d’information.
Puis, ils estiment la valeur financière de chacun des actifs listés.
Sources
- Comment évaluer le capital immatériel ?, France Culture
- Méthodes d’évaluation du capital immatériel, Fusacq